La permaculture gagne de plus en plus en popularité mais quelques fois son efficacité est remise en question. Quand on tombe amoureux de cette approche, il est rare de chercher des données scientifiques pour juger de son efficacité ou pas, tant son approche est déjà séduisante à la base.
La ferme du Bec Hellouin a initié de 2011 à 2015 une étude en conditions réelles pour mesurer sa productivité mais aussi l’état de ses sols.
Qu’est-ce que la permaculture
C’est un ensemble de méthodes pas forcément très défini. Le mot vient de permanente agriculture, l’approche commune à toutes ces méthodes c’est de s’inspirer de la nature, par exemple en gardant les sols couverts, d’entretenir la vie du sol, de favoriser les associations de plantes qui vont fonctionner en symbiose.
Que critique-t-on dans l’approche conventionnelle
Il ne s’agit en rien de critiquer les agriculteurs. Ce mode d’agriculture a été poussé d’année en année, surtout depuis l’après 2nd guerre, à s’intensifier, à se standardiser pour optimiser la gestion agricole. Ce qui peut se comprendre, surtout quand on vend le blé de l’année prochaine alors qu’il n’est même pas planté.
Les marchés à terme sont devenus une partie quasiment incontournable de la stratégie de mise en marché des agriculteurs et de leurs coopératives, et ils existent également dans le but d’attirer les organismes financiers, qui apportent les liquidités nécessaires. Mais les pratiques spéculatives contribuent à augmenter la volatilité des prix, les profits qu’elles génèrent en période de crise focalisent les critiques, comme dans un récent rapport de CCFD-Terre Solidaire et Foodwatch, qui jugent la règlementation actuelle insuffisante en termes de transparence. Le Conseil et le Parlement se sont mis d’accord le 29 juin dernier pour réviser le règlement en vigueur. Des dispositions suffisantes pour limiter la volatilité excessive des prix ?
https://www.agriculture-strategies.eu/2023/09/speculation-sur-les-marches-agricoles-renforcement-de-lencadrement-europeen/
La monoculture intensive.
Indéniablement très pratique à la gestion par la normalisation des plantations, elle a plusieurs désavantages :
L’appauvrissement des sols, vu qu’il n’y a qu’un seul type de plante, un seul groupe de minéraux sont pompés du sol et appauvrissent celui-ci. Ce qui engendre l’ajout de fertilisant et démarre un cercle vicieux avec l’industrie pétrochimique.
Sans varier les espèces la parcelle est plus fragile, puisque des ravageurs ou maladies adaptés à cette plante pourront proliférer sans aucun obstacle.
Le labour
Pourtant l’un des symboles de l’agriculture, le labour, surtout profond retourne littéralement la terre. Or le sol est constitué de plusieurs strates, avec à chaque étage plein d’espèces adaptées et contribuant à faire circuler les différents éléments chimiques dont l’eau. Une terre sans vie n’éponge pas, et les érosions démarrent aussi bien avec l’eau qu’avec l’air (ces grandes poussières derrière les tracteurs).
Et sans doute d’autres choses mais le but n’est ni d’avoir une liste exhaustive ni de critiquer une grande partie des agriculteurs…
Comment fonctionne la ferme du Bec Hellouin
Il n’y a pas un jardin permaculture dans notre ferme, mais bien des jardins permaculturels !
D’ailleurs, les deux sites que comporte la ferme sont bien différents. Situées au dessus de l’abbaye et du village du Bec Hellouin, les terrasses accueillent des vergers, des animaux, jardins, buttes de culture permanentes et mares. Le tout encerclé par la forêt.
Le site de la vallée, lieu principal de production, comporte :
https://www.fermedubec.com/la-permaculture/
- Plusieurs forêts-jardins : une grande forêt jardin en fer à cheval pour abriter les îles-jardins des vents dominants, une forêt-jardin sauvage comme refuge de biodiversité et une mini forêt-jardin orientée sud et proche de l’eau, très productive en fruits, petits fruits, plantes aromatiques.
- Des vergers maraichers où des « planches plates » de légumes (salades, haricots, carottes, choux…) côtoient des arbres fruitiers. Ces vergers maraîchers sont également utilisés pour la culture des céréales jardinées.
- Deux îles-jardins sur buttes permanentes pour augmenter le nombre de plants par m², ajouter de la profondeur de sol et contribuer à la beauté du jardin. Elle sont encerclées par une mare et par la grande forêt-jardin.
- Une serre orientée sud, travaillée pour la rendre bioclimatique (doubles parois, bacs de cultures surélevés qui font office de batteries passives, mares, arbres et « jardin créole » pour créer un microclimat et acueillir la biodiversité, poulailler avec toiture cultivée pour gagner quelques degrés, des couches chaudes en hiver en guise de matelas chauffant qui sera par la suite utilisé en paillage pour les cultures…). Elle est cultivée en planches de culture plates et bacs. Une serre atelier attenante facilite l’accès aux outils, au sein du cœur intensif de la ferme.
- Un « paysage de résilience« , conçu pour rester productif même en l’absence d’énergies fossiles. Il comporte notamment des pré-vergers pour la production de fruits et le pâturage holistique des animaux ; un chemin creux bordé de haies fruitières et différents couloirs de biodiversité. Avec aussi une abondance de points d’eau.
- Un étang.
- Des jardins de bois.
- Des champs cultivés en traction animale pour les céréales et les légumes de plein champ.
Voilà une gestion qui prend en compte, la faune & la flore, le paysage / terrain, qui maximise la diversité… Mais contrairement à une gestion plus conventionnelle, elle demandera plus de main-d’œuvre.
D’une part parce que les parcelles & les planches ne sont pas normalisées (pas forcément en ligne droite ni en rectangle) rendant difficile l’utilisation de machines agricoles.
Et de l’autre une grande diversité de végétaux, donc la cueillette ne peut pas se faire au même moment & de la même manière pour toute la production.
Les résultats / mesures
A partir des données récoltées (voir encadré 1), les modélisations montrent que, en fonction du niveau d’investissement et d’intensification, 1000 m2 (2) dégagent un revenu horaire variant de 5,4 à 9,5 € pour une charge de travail hebdomadaire moyenne de 43 heures. Le revenu agricole net mensuel correspondant, 900 à 1570 euros, apparait tout à fait correct, voire supérieur, au regard des références couramment admises en maraîchage biologique diversifié.
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A partir des données récoltées (voir encadré 1), les modélisations montrent que, en fonction du niveau d’investissement et d’intensification, 1000 m2 (2) dégagent un revenu horaire variant de 5,4 à 9,5 € pour une charge de travail hebdomadaire moyenne de 43 heures. Le revenu agricole net mensuel correspondant, 900 à 1570 euros, apparait tout à fait correct, voire supérieur, au regard des références couramment admises en maraîchage biologique diversifié.
https://blogs.mediapart.fr/edition/vert-tige/article/300816/ferme-de-bec-hellouin-retour-sur-experience-une-etude-sur-4-ans-de-linra
La valeur récoltée cumulée sur 12 mois glissants, est passée de 32.400 € sur la période juin 2012 – mai 2013 à 54.600 € d’avril 2014 à mars 2015, soit +69 % par rapport à la première période étudiée.
https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/Rapport%20final_etude_2011-2015_Bec_Hellouin_30112015_0_0.pdf
Elle a atteint un maximum de 57.300 € sur la récolte 2014, soit +76 % par rapport à la première période étudiée.
Pour finir voilà une interview sympathique de Charles Hervé-Gruyer de la ferme : 👇
Pour conclure
Loin d’être une lubie la permaculture et autres modes de gestion alternatif sont possibles et ne demande qu’à être multiplié pour enrichir les points sur un sujet si essentiel que sont la nature et notre nourriture.
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